L’amour,
l’amour et encore l’amour. Thème abordé sous toutes les coutures, qui ne cesse
de faire parler de lui. Mais dans La Seconde
surprise de l’amour écrite par Marivaux, cela n’a rien d’un conte de fée
ordinaire.
Les
deux personnages principaux de la pièce ont tous deux perdu l’amour de leur
vie. Elle est une jeune marquise en deuil depuis quelques mois et lui un
chevalier désespéré depuis que son amante est rentrée au couvent. Ces deux
vieux amis se confient l’un à l’autre et parlent de leurs rêves brisés. Ils
voient en l’autre l’ami qui pourrait enfin comprendre leur douleur. Lisette,
servante dévouée à sa maîtresse, et Lubin, valet rusé du chevalier, voient d’un
bon œil ce rapprochement qui pourrait peut-être finalement faire sortir leurs
maîtres respectifs de la tristesse. Des idées traversent les esprits des deux
serviteurs qui n’hésiteront pas à sauter sur chaque occasion. Mais il ne
faudrait pas oublier le comte Diafoirus qui faisait déjà la cour à la marquise ;
ni Hortensius, professeur de lecture, qui aurait tout intérêt à ce que la jeune
femme ne retrouve pas le sourire. Mais il en faudra plus que cela pour
décourager le valet et la servante ! A leurs risques et périls…
Mise
en scène par Valentin Rossier, La Seconde
surprise de l’amour sera jouée jusqu’au deux octobre au théâtre Le
Public : une occasion de voir ou revoir ce classique de la littérature. Cette
pièce, écrite par Marivaux au dix-huitième siècle, a été magistralement mise en
scène. C’est dans un mélange de classicisme et de modernité que nous la découvrons
pour notre plus grand plaisir.
Effectivement
les acteurs, respectant pourtant le texte original à la lettre, n’en font pas
moins rire en jouant tantôt de manière désinvolte, tantôt ironique. C’est
surtout le cas de Lubin, jeune valet incarné par Paulo dos Santos, qui se
retrouve en espadrilles et en chemise à fleurs sur scène. Pourtant, il incarne
parfaitement son rôle d’ami et de confident, d’hier ou d’aujourd’hui. Ou encore
celui de Lisette, servante de la marquise, joué par Anna Pieri, qui n’hésite
pas à donner de la vitalité à son rôle en faisant des mimiques tout à fait
surprenantes et en utilisant des intonations qui ajoutent de la gaité à
l’œuvre. Mais c’est surtout Valentin Rossier qui marquera les esprits. En plus
d’avoir effectué la mise en scène, il joue avec brio le rôle de ce chevalier au
cœur brisé. Il émeut et fait rire en même temps, fait passer avec simplicité toutes
les émotions qui traversent son personnage. Il ajoute une touche sentimentale en
même temps qu’humoristique à cette pièce, ce qui donne un supplément
d’humanité.
Même
si la pièce repose principalement sur le jeu travaillé des acteurs, Rossier
joue avec les détails. L’œuvre se joue dans un décor minimaliste, très épuré, la
scène est entourée de carreaux de bois qui font penser à des fenêtres. Le
metteur en scène s’amuse avec les lumières aussi, qui changent d’intensité en
fonction des sentiments que les personnages ressentent. Il fait plus sombre
quand le chevalier pense à son amour perdu et plus lumineux quand les
domestiques se taquinent. C’est aussi grâce aux détails que l’œuvre est jouée
dans des conditions optimales.
D’autre
part, La Seconde surprise de l’amour,
quoiqu’ayant été écrite il y a trois cent ans, parle d’un thème actuel. Il est
question non du premier amour mais du deuxième. Marivaux aborde ici un de ses
sujets préférés sur lequel il aura écrit à maintes reprises comme dans Le Jeu de l’amour, La Double inconstance, ou encore Les Fausses confidences. Cependant, il en parle comme personne
auparavant et en résume lui-même le principe: « J’ai guetté dans
le cœur humain toutes les niches différentes où peut se cacher l’amour
lorsqu’il craint de se montrer et chacune de mes comédies a pour objet de le
faire sortir d’une de ses niches ». Ici la « niche » parle de la
renaissance de l’amour. Peut-on aimer une seconde fois aussi fort que la
première ? La pièce évoque le sujet de façon originale et invite le
spectateur à y réfléchir.
Donner
de la modernité à une œuvre de Marivaux était un défi ambitieux que Valentin
Rossier a su relever avec une équipe d’acteurs talentueux. Tout en respectant
la pièce, ces interprétations actuelles sonnent justes et touchent au but. La Seconde surprise de l’amour
continuera donc de faire méditer et sourire le spectateur rentré chez lui. Car, après tout, l’homme n’a-t-il pas été créé pour aimer ?
Géraldine
Staumont, 6G
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