Dieu existe, il habite à Bruxelles.
Nous sommes le 2
septembre 2015. Un nouveau film vient de sortir. Et, comme d’habitude, ça se
passe le mercredi dans tous les cinémas. Difficile de s’y rendre le
jour-même : les salles sont combles avant même qu’on y pointe l’orteil. Beaucoup
de gens en parlent ; désormais les avis et critiques se multiplient. La
bande-annonce, quant à elle, vend du rêve. Trois jours plus
tard, nous voilà dans la file, avec la perspective d’une salle bondée.
Qu’est-ce qui fait affluer tous ces gens ? Qu’a donc ce film de si
spécial ?
Le nouveau bébé de Jaco Van Dormael et Thomas Gunzig n’en finit pas d’être au
centre de l’attention. Ces derniers mettent en scène un Dieu version
machiavélique incarné par Benoît Poelvoorde, qui jouit du simple fait de faire souffrir les gens, en restant
simplement enfermé dans son appartement de Bruxelles.
C’est
un être maléfique ; sa fille le méprise et décide de faire la résistance. Cloitrée
chez elle, elle s’introduit dans le bureau de son père qui lui est formellement interdit, hacke sans le moindre scrupule son
ordinateur et, en un clic, sème le chaos au sein de toute la population, en
envoyant aux gens par texto... leur date de décès ! Le but ? Décrédibiliser
son odieux de père, et ainsi
déclencher une rébellion. Une révolution pacifique mais profonde. Cette
dernière est visible chez les six apôtres
qu’Ea nous a dégotés : une manchote (Laura Verlinden), un obsédé sexuel (Serge
Larivière), un tueur à gages (François Damiens), une femme délaissée (Catherine
Deneuve), un employé de bureau (Didier de Neck) et un petit garçon (Romain Gélin) qui se rêve en fille. La
présence d’apôtres - idée de J-C en personne - semble signer l’originalité du
réalisateur.
Le film
commence. Le début nous plonge directement dans le bain : Dieu habite
Bruxelles, il a deux enfants (J-C et Ea, les conspirateurs de l’histoire), avec
sa femme (Jeanne Marot). Il est complètement tyrannique, et ça a tellement
déstabilisé cette pauvre dame qu’elle ne parle presque plus et ses capacités se
limitent désormais aux tâches ménagères. Benoît Poelvoorde, c’est Dieu.
Premier aperçu de ce dernier : en pyjama, avec une bière et devant la
télé !
Le film veut nous surprendre dès le début et, à la fin, nous offrir une réflexion sur
la vie qui fait plaisir à voir. En effet, que ferions-nous à la place de tous
ces gens ? Ne pas croire ces informations qui au fond ne peuvent provenir
de Dieu, car ce serait complètement irrationnel ? Ou les considérer comme un prétexte pour
changer de vie ? Il s’agit d’un
simple sms idiot et insensé au premier abord, mais qui se révèle fondé. Ces gens
se mettent à se poser des questions et nous de même.
Cet avertissement, c’est
l’élément déclencheur : la vie prend un tout autre sens lorsqu’on sait que notre destiné est de mourir dans deux ans,
trois jours et cinquante-six minutes, ou même dans cinquante ans. Alors, plutôt que de s’évertuer à
donner le meilleur de nous quotidiennement, dans un boulot qui nous fatigue,
pour s’offrir un futur qui semble ne pas nous appartenir, il est sans doute préférable
de couper les ponts.
Le film est
fini. La question est : sommes-nous aussi convaincus que nous l’étions
après avoir vu la bande annonce ? Les critiques
littéraires (notamment La Première, Le Parisien, Studio, Cinélive, Le Journal
du Dimanche, Le Monde, Le Figaro) ont attribué une bonne note au film de Jaco van Dormael. Celui-ci
est renommé dans le métier et en est déjà à son quatrième long-métrage en l’espace
de vingt-quatre ans. De plus, il a été ovationné à Cannes en 1991 pour Toto le héros. Ce dernier film relate l’histoire d’un type à qui il n'est jamais rien arrivé. Rien à voir avec « Le Tout Nouveau Testament », pensez-vous. Pourtant des allusions et clins d’œil
sont perceptibles.
« C'est un bon film mais la bande
annonce n'est pas conforme au film. Elle annonce une comédie alors que le film,
qui est un bon, est un film de réflexion ». Difficile de ne pas partager
cet avis. En effet, il y a des touches d’humour, mais de là à qualifier ce film
d’humoristique ? Non, parce qu’il s’agit ici sans aucun doute d’un film subtil
qui suscite une réflexion sur tout un tas de choses : Dieu, la vie, la mort,
la destinée, nos trajectoires personnelles. Que des thèmes dont les idées sont
fulgurantes mais si peu exploitées.
Lorsque nous
aurions tendance à imaginer un Dieu qui ne fait que le bien, Jaco van Dormael
nous surprend avec l’anti–Dieu, ce Dieu maléfique incarné par Benoît Poelvoorde. Le rôle requiert un
tempérament colérique, ce que
Benoit Poelvoorde est tout à fait apte à interpréter et, malheureusement, dans
l’exagération : il surjoue. Et parmi tous les avis qui fusent, ceux concernant le scénario remportent l’unanimité
sur la toile virtuelle : certaines scènes sont incompréhensibles, voire
ennuyeuses. Approuvé aussi. Catherine Deneuve n’est pas épargnée non
plus : le gorille dont elle tombe
amoureuse rend son rôle grotesque.
Ce film,
encore à l’affiche, aura rassemblé
un large public, partagé et touché et une panoplie de bons acteurs. Dès le premier jour, cinquante
mille places ont été vendues en Belgique et, aujourd’hui, près de deux cent
quarante mille. La valeur
culturelle que prend l’évènement prend tout son sens par ce film qui, en dépit
de nous laisser sur notre faim, ne nous laisse pas indifférent.
Philippine Jadoul, 6G
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