dimanche 25 octobre 2015

La Seconde surprise de l'amour

L’amour, l’amour et encore l’amour. Thème abordé sous toutes les coutures, qui ne cesse de faire parler de lui. Mais dans La Seconde surprise de l’amour écrite par Marivaux, cela n’a rien d’un conte de fée ordinaire.

Les deux personnages principaux de la pièce ont tous deux perdu l’amour de leur vie. Elle est une jeune marquise en deuil depuis quelques mois et lui un chevalier désespéré depuis que son amante est rentrée au couvent. Ces deux vieux amis se confient l’un à l’autre et parlent de leurs rêves brisés. Ils voient en l’autre l’ami qui pourrait enfin comprendre leur douleur. Lisette, servante dévouée à sa maîtresse, et Lubin, valet rusé du chevalier, voient d’un bon œil ce rapprochement qui pourrait peut-être finalement faire sortir leurs maîtres respectifs de la tristesse. Des idées traversent les esprits des deux serviteurs qui n’hésiteront pas à sauter sur chaque occasion. Mais il ne faudrait pas oublier le comte Diafoirus qui faisait déjà la cour à la marquise ; ni Hortensius, professeur de lecture, qui aurait tout intérêt à ce que la jeune femme ne retrouve pas le sourire. Mais il en faudra plus que cela pour décourager le valet et la servante ! A leurs risques et périls…

Mise en scène par Valentin Rossier, La Seconde surprise de l’amour sera jouée jusqu’au deux octobre au théâtre Le Public : une occasion de voir ou revoir ce classique de la littérature. Cette pièce, écrite par Marivaux au dix-huitième siècle, a été magistralement mise en scène. C’est dans un mélange de classicisme et de modernité que nous la découvrons pour notre plus grand  plaisir.

Effectivement les acteurs, respectant pourtant le texte original à la lettre, n’en font pas moins rire en jouant tantôt de manière désinvolte, tantôt ironique. C’est surtout le cas de Lubin, jeune valet incarné par Paulo dos Santos, qui se retrouve en espadrilles et en chemise à fleurs sur scène. Pourtant, il incarne parfaitement son rôle d’ami et de confident, d’hier ou d’aujourd’hui. Ou encore celui de Lisette, servante de la marquise, joué par Anna Pieri, qui n’hésite pas à donner de la vitalité à son rôle en faisant des mimiques tout à fait surprenantes et en utilisant des intonations qui ajoutent de la gaité à l’œuvre. Mais c’est surtout Valentin Rossier qui marquera les esprits. En plus d’avoir effectué la mise en scène, il joue avec brio le rôle de ce chevalier au cœur brisé. Il émeut et fait rire en même temps, fait passer avec simplicité toutes les émotions qui traversent son personnage. Il ajoute une touche sentimentale en même temps qu’humoristique à cette pièce, ce qui donne un supplément d’humanité.

Même si la pièce repose principalement sur le jeu travaillé des acteurs, Rossier joue avec les détails. L’œuvre se joue dans un décor minimaliste, très épuré, la scène est entourée de carreaux de bois qui font penser à des fenêtres. Le metteur en scène s’amuse avec les lumières aussi, qui changent d’intensité en fonction des sentiments que les personnages ressentent. Il fait plus sombre quand le chevalier pense à son amour perdu et plus lumineux quand les domestiques se taquinent. C’est aussi grâce aux détails que l’œuvre est jouée dans des conditions optimales.

D’autre part, La Seconde surprise de l’amour, quoiqu’ayant été écrite il y a trois cent ans, parle d’un thème actuel. Il est question non du premier amour mais du deuxième. Marivaux aborde ici un de ses sujets préférés sur lequel il aura écrit à maintes reprises comme dans Le Jeu de l’amour, La Double inconstance, ou encore Les Fausses confidences. Cependant, il en parle comme personne auparavant et en résume lui-même le principe: « J’ai guetté dans le cœur humain toutes les niches différentes où peut se cacher l’amour lorsqu’il craint de se montrer et chacune de mes comédies a pour objet de le faire sortir d’une de ses niches ». Ici la « niche » parle de la renaissance de l’amour. Peut-on aimer une seconde fois aussi fort que la première ? La pièce évoque le sujet de façon originale et invite le spectateur à y réfléchir.

Donner de la modernité à une œuvre de Marivaux était un défi ambitieux que Valentin Rossier a su relever avec une équipe d’acteurs talentueux. Tout en respectant la pièce, ces interprétations actuelles sonnent justes et touchent au but. La Seconde surprise de l’amour continuera donc de faire méditer et sourire le spectateur rentré chez lui. Car, après tout, l’homme n’a-t-il pas été créé pour aimer ?

Géraldine Staumont, 6G

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