mercredi 28 octobre 2015

Le Tout Nouveau Testament

Dieu existe, il habite à Bruxelles.


Nous sommes le 2 septembre 2015. Un nouveau film vient de sortir. Et, comme d’habitude, ça se passe le mercredi dans tous les cinémas. Difficile de s’y rendre le jour-même : les salles sont combles avant même qu’on y pointe l’orteil. Beaucoup de gens en parlent ; désormais les avis et critiques se multiplient. La bande-annonce, quant à elle, vend du rêve. Trois jours plus tard, nous voilà dans la file, avec la perspective d’une salle bondée. Qu’est-ce qui fait affluer tous ces gens ? Qu’a donc ce film de si spécial ?

Le nouveau bébé de Jaco Van Dormael et Thomas Gunzig n’en finit pas d’être au centre de l’attention. Ces derniers mettent en scène un Dieu version machiavélique incarné par Benoît Poelvoorde, qui jouit du simple fait de  faire souffrir les gens, en restant simplement enfermé dans son appartement de Bruxelles.

C’est un être maléfique ; sa fille le méprise et décide de faire la résistance. Cloitrée chez elle, elle s’introduit dans le bureau de son père qui lui est formellement interdit, hacke sans le moindre scrupule son ordinateur et, en un clic, sème le chaos au sein de toute la population, en envoyant aux gens par texto... leur date de décès ! Le but ? Décrédibiliser son odieux de père, et ainsi déclencher une rébellion. Une révolution pacifique mais profonde. Cette dernière est  visible chez les six apôtres qu’Ea nous a dégotés : une manchote (Laura Verlinden), un obsédé sexuel (Serge Larivière), un tueur à gages (François Damiens), une femme délaissée (Catherine Deneuve), un employé de bureau (Didier de Neck) et un petit garçon (Romain Gélin) qui se rêve en fille. La présence d’apôtres - idée de J-C en personne - semble signer l’originalité du réalisateur.

Le film commence. Le début nous plonge directement dans le bain : Dieu habite Bruxelles, il a deux enfants (J-C et Ea, les conspirateurs de l’histoire), avec sa femme (Jeanne Marot). Il est complètement tyrannique, et ça a tellement déstabilisé cette pauvre dame qu’elle ne parle presque plus et ses capacités se limitent désormais aux tâches ménagères. Benoît Poelvoorde, c’est Dieu. Premier aperçu de ce dernier : en pyjama, avec une bière et devant la télé !

Le film veut nous surprendre dès le début  et, à la fin, nous offrir une réflexion sur la vie qui fait plaisir à voir. En effet, que ferions-nous à la place de tous ces gens ? Ne pas croire ces informations qui au fond ne peuvent provenir de Dieu, car ce serait complètement irrationnel ? Ou les  considérer comme un prétexte pour changer de vie ? Il s’agit d’un simple sms idiot et insensé au premier abord, mais qui se révèle fondé. Ces gens se mettent à se poser des questions et nous de même.

Cet avertissement, c’est l’élément déclencheur : la vie prend un tout autre sens lorsqu’on sait que notre destiné est de mourir dans deux ans, trois jours et cinquante-six minutes, ou même dans cinquante ans.  Alors, plutôt que de s’évertuer à donner le meilleur de nous quotidiennement, dans un boulot qui nous fatigue, pour s’offrir un futur qui semble ne pas nous appartenir, il est sans doute préférable de couper les ponts.

Le film est fini. La question est : sommes-nous aussi convaincus que nous l’étions après avoir vu la bande annonce ? Les critiques littéraires (notamment La Première, Le Parisien, Studio, Cinélive, Le Journal du Dimanche, Le Monde, Le Figaro) ont attribué une bonne note au film de Jaco van Dormael. Celui-ci est renommé dans le métier et en est déjà à son quatrième long-métrage en l’espace de vingt-quatre ans. De plus, il a été ovationné à Cannes en 1991 pour Toto le héros. Ce dernier film  relate l’histoire d’un type à qui il n'est jamais rien arrivé. Rien à voir avec « Le Tout Nouveau Testament », pensez-vous. Pourtant des allusions et clins d’œil sont perceptibles.

« C'est un bon film mais la bande annonce n'est pas conforme au film. Elle annonce une comédie alors que le film, qui est un bon, est un film de réflexion ». Difficile de ne pas partager cet avis. En effet, il y a des touches d’humour, mais de là à qualifier ce film d’humoristique ? Non, parce qu’il s’agit ici sans aucun doute d’un film subtil qui suscite une réflexion sur tout un tas de choses : Dieu, la vie, la mort, la destinée, nos trajectoires personnelles. Que des thèmes dont les idées sont fulgurantes mais si peu exploitées.

Lorsque nous aurions tendance à imaginer un Dieu qui ne fait que le bien, Jaco van Dormael nous surprend avec l’anti–Dieu, ce Dieu maléfique incarné par Benoît Poelvoorde. Le rôle requiert un tempérament colérique, ce que Benoit Poelvoorde est tout à fait apte à interpréter et, malheureusement, dans l’exagération : il surjoue. Et parmi tous les avis qui fusent, ceux concernant le scénario remportent l’unanimité sur la toile virtuelle : certaines scènes sont incompréhensibles, voire ennuyeuses. Approuvé aussi. Catherine Deneuve n’est pas épargnée non plus : le gorille  dont elle tombe amoureuse rend  son rôle grotesque.

Ce film, encore  à l’affiche, aura rassemblé un large public, partagé et touché  et une panoplie de bons acteurs. Dès le premier jour, cinquante mille places ont été vendues en Belgique et, aujourd’hui, près de deux cent quarante mille. La valeur culturelle que prend l’évènement prend tout son sens par ce film qui, en dépit de nous laisser sur notre faim, ne nous laisse pas indifférent.

Philippine Jadoul, 6G 

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