lundi 18 avril 2016

Adolescence : la fabrique des héros

Comment apprendre à penser par soi-même ? C’est de cette question que découle le projet de Wajdi Mouawad « Avoir 20 ans en 2015 ». Il lui-même illustré, du 8 mars au 2 avril, au théâtre de Namur, par l’exposition libre « Adolescence : la fabrique des héros », que nous pouvons également retrouver à Mons.


Le projet de W. Mouawad est né alors que l’artiste se demandait comment rendre la pareille à tous ceux qui lui avaient permis de murir en tant qu’adolescent. Il s’est dit que le seul moyen était de l’apprendre à d’autres. De là, en deux-mille-onze, il a sélectionné cinquante jeunes de quinze ans, dont vingt Belges, à qui il a proposé diverses activités, artistiques notamment, durant les vacances d’été pendant cinq ans. Leur base : une réplique tirée d’Incendies, une pièce de Mouawad : « Écoute ce qu’une vielle femme qui va mourir a à te dire : apprends à lire, apprends à écrire, apprends à compter, apprends à parler. Apprends. »  Chaque année a représenté l’un de ces aspects, cinq actes, en quelque sorte, dont le dernier est : apprends à penser.

Parallèlement, Ils ont été régulièrement et individuellement interviewés par une doctorante de l’UCL : Chloé Colpé, qui a tenté, en tant que chercheuse en sciences sociales, de comprendre l’influence d’une telle expérience dans la vie de ces jeunes gens en pleine construction. Chaque année revenaient les cinq mêmes questions, choisies par Mouawad : « Qu’est-ce qui t’inquiète ? », « Qu’est-ce qui te fait lever le matin ? et qu’est-ce qui ferait que tu ne puisses pas te lever ? »,  « En quoi ou à quoi tu crois ? » et « Quel est ton plus grand rêve ? ». Pour certains, les réponses n’ont que rarement changé alors que pour d’autres, elles ont évolué avec eux et leur état d’esprit. Ce projet leur a inculqué une notion de « croire en soi ». Un jeune homme à la réflexion très poussée a notamment dit qu’il était lui-même son meilleur ami, le plus apte à croire en lui. L’ensemble de ces réponses sont souvent bien personnelles et les individus se sont mis à nu pour nous faire part de leur évolution la plus profonde.



Mouawad explique que vingt ans, c’est l’âge du héros (notamment dans la mythologie grecque qu’il connaît bien) mais qu’aujourd’hui, nous disons à nos héros qu’ils sont trop jeunes, qu’ils ne devraient pas avoir d’enfant avant trente-cinq ans, qu’ils ne savent pas réellement ce qu’ils veulent,… On pense à leur place ou on attend d’eux certaines choses bien particulières mais ne savons pas ce qu’eux-mêmes en pensent. Il raconte avec virulence que tu es né et que personne n’est né à ta place, que tu mourras et que personne ne mourra à ta place. Ce qui se trouve entre les deux t’appartient par conséquent.

Selon lui, l’adolescence, c’est fabriquer ses armes. C’est voyager en questionnant le monde et en se questionnant soi-même. Selon lui, l’adolescence, c’est un sentiment. C’est partir en guerre contre le monde afin d’y trouver sa place. C’est se louper et s’aimer à travers beaucoup d’expériences insignifiantes aux yeux des autres. C’est suspendre le temps entre la nostalgie, la projection et l’instant présent. Selon lui, l’adolescence, c’est un débat permanent. C’est faire des études, mais sérieuses ; trouver un travail, mais avec un bon salaire ; construire une famille, mais ni trop tôt, ni trop tard ; tout cela en restant épanoui. Comme le dit C. Colpé, « Il faut au moins être un héros pour affronter ces injonctions contradictoires. ». Selon lui, l’adolescence, c’est se débrouiller avec la vie. C’est apprendre à affronter ses peurs, à reconnaître celles des autres, celles qui paralysent et réduisent le futur possible.



En conclusion, le mixage de deux projets d’une durée de cinq ans, autour d’une cinquantaine d’adolescents emballés par le personnage et le talent de Wajdi Mouawad, leur ont appris, à travers le théâtre, à penser et réfléchir par eux-mêmes et auront des conséquences qui dureront jusqu’au bout de leur vie d’adulte qui commence.

Chloé Englebert, 6G



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